Shein en France ?

Shein s’installe en France : un tournant difficile pour nos boutiques locales

Depuis quelques années, Shein, le géant chinois de la fast‑fashion, a transformé les habitudes de consommation en ligne. Aujourd’hui, la marque passe à la vitesse supérieure avec des boutiques physiques permanentes à partir de novembre 2025, notamment à Paris (BHV Marais) et dans plusieurs grandes villes de province via les Galeries Lafayette/SGM (Dijon, Grenoble, Reims, Angers, Limoges). 

Cette arrivée est perçue comme un choc frontal pour les commerces locaux, déjà fragilisés par :

• la concurrence d’acteurs e‑commerce à bas prix ;

• la hausse des coûts fixes (loyers, énergie, charges sociales) ;

• l’affaiblissement de la fréquentation des centres‑villes. 

• la crise de confiance / la baisse globale de la consommation dans certains segments, accentuée par l’inflation. 

• Selon la Fédération Nationale de l’Habillement (FNH), le chiffre d’affaires des enseignes indépendantes du prêt‑à‑porter a reculé d’environ 8,8 % entre septembre 2024 et septembre 2025, un niveau historiquement bas. 

Pour les petites boutiques, le modèle Shein représente plusieurs menaces :

1. Prix cassés : Shein propose des vêtements ultra‑bon marché, ce qui rend la concurrence sur le prix presque impossible pour les boutiques locales qui misent sur la qualité, le service, la proximité. 

2. Renouvellement ultra rapide des collections : leur stratégie de lancement massif de nombreuses références rend le modèle traditionnel moins compétitif. 

3. Visibilité accrue avec des boutiques physiques dans des emplacements prestigieux : BHV, Galeries Lafayette, etc., ce qui renforce la légitimité de la marque auprès de consommateurs qui hésitaient peut‑être à acheter en ligne. 

4. Effets d’entraînement sur les coûts : quand le pouvoir d’achat pousse les consommateurs vers le moins cher, les concurrents doivent baisser leurs marges ou soigner l’image, ce qui coûte.

Risques pour la santé : quand “moins cher” rime avec potentiellement dangereux

Au‑delà de la dimension économique, plusieurs enquêtes récentes ont mis en lumière des problèmes sanitaires sérieuxconcernant certains vêtements vendus par Shein. Voici les faits :

Ce que les tests montrent

• Greenpeace Allemagne : sur 47 produits Shein testés (vêtements et accessoires pour adultes, enfants, bébés), 7 articles (≈15 %) contenaient des substances chimiques dépassant les limites européennes (REACH) ; 15 articles (≈32 %) contenaient des substances à des niveaux « préoccupants ». 

• TestAchats (Belgique), dans une enquête de 25 articles pour enfants achetés sur Shein : dans 10 d’entre eux, au moins une substance dangereuse a été détectée (plomb, phtalates, allergènes comme le nickel, etc.). Dans une paire de chaussures, le taux de plomb dépassait largement les normes européennes, et les phtalates étaient “des centaines de fois” au‑delà de ce qui est autorisé. 

• OEKO‑TEX : sur 21 vêtements Shein testés, aucun n’atteint une note “bonne” ; beaucoup d’articles obtiennent “insuffisant” ou “médiocre” à cause de résidus chimiques dangereux. 

Quels risques pour la santé

Les substances identifiées sont associées à différents dangers :

• Perturbateurs endocriniens (phtalates, etc.) : affectation possible du système hormonal, reproduction, développement chez les enfants. 

• Métaux lourds comme le plomb, le nickel : effets sur le système nerveux, allergènes, risques chroniques. 

• Irritants ou sensibilisants de la peau, surtout pour les peaux sensibles ou les enfants. 

Réglementations existantes, mais lacunes

• L’Union européenne dispose du règlement REACH, qui fixe des limites pour certaines substances chimiques. Mais les enquêtes montrent que certains produits vendus par Shein ne respectent pas toujours ces limites ou contiennent des substances “non autorisées” en quantités trop élevées. 

• En France, la DGCCRF a sanctionné Shein pour divers manquements : pratiques commerciales trompeuses (réductions fictives), absence d’information sur les caractéristiques environnementales (microfibres plastiques, etc.). 

Un modèle à double coût : économique, social, sanitaire

La situation est ainsi doublement préoccupante :

• Sur le plan économique et social, la montée de Shein affaiblit les commerçants de proximité, met en danger des emplois, fragilise le tissu artisanal et local.

• Sur le plan santé publique, des vêtements non conformes comportent des dangers réels, en particulier pour les enfants, les peaux sensibles, etc.

Que faire ? Vers des pistes de solution

Voici quelques idées/actions possibles pour atténuer les effets négatifs :

1. Renforcer les contrôles sanitaires et réglementaires

   • Contrôles plus fréquents sur les substances chimiques dans les vêtements importés, y compris ceux vendus en ligne.

   • Sanctions plus dissuasives pour les articles dangereux.

   • Meilleure transparence sur les matières, la provenance, les labels.

2. Favoriser le “made en local / qualité”

   • Soutien aux petites boutiques via subventions, allègements fiscaux, incitations pour qu’elles puissent proposer des produits durables.

   • Valoriser le savoir‑faire local, le circuit court, la slow‑fashion.

3. Sensibiliser le consommateur

   • Éducation sur ce que signifie un vêtement vraiment sain ou durable : labels, matières, entretien, durée de vie.

   • Encourage le lavage des vêtements neufs avant usage, signalement des odeurs ou irritations liées à un vêtement (peut indiquer des résidus chimiques).

4. Politiques publiques

   • Encadrement de la publicité pour la mode jetable (fast‑fashion).

   • Loi ou réglementation spécifiquement contre l’ultra‑fast fashion.

   • Moratoire ou encadrement des ouvertures de boutiques qui jouent un rôle de cheval de Troie.

Conclusion

Shein, comme beaucoup d’acteurs de la fast‑fashion, incarne les contradictions de notre époque : un modèle qui répond au désir/l’effort de pouvoir s’habiller à petit prix, mais qui engendre des coûts cachés – destruction de l’emploi local, affaiblissement des commerces de proximité, risques pour l’environnement, et parfois risques pour la santé des consommateurs, surtout des plus fragiles.

L’enjeu est de réussir à concilier accessibilité et responsabilité – pour que “moins cher” ne rime pas avec “dangereux” ou “détruit le tissu social”. Et surtout, que la mode ne devienne pas le prix que paient les plus vulnérables.